Colloque international de l'UBS Lorient - 16 & 17/10/2025
Gastro-identité(s) dans les Amériques :
entre chauvinisme et transnationalisme (16e-21e siècles)
Dans la continuité du projet sur le transnationalisme dans les Amériques, intitulé « ILA, Ici, là-bas, ailleurs – Le transnationalisme dans les Amériques (16 – 21e siècle) », mené par les deux co-organisatrices de ce colloque, Marie-Christine Michaud (HCTI de l’Université Bretagne Sud), et Emmanuelle Sinardet (CRIIA UR Études romanes, Université Paris Nanterre), nous proposons de nous interroger sur le rôle et les effets de la nourriture, gastronomie, cuisine et pratiques alimentaires sur les (re)constructions et (re)formulations identitaires dans les Amériques, qu’il s’agisse d’identités collectives, nationales, locales, communautaires ou individuelles. Cette démarche suppose de questionner les apports, circulations, hybridités de ces aliments et de ces pratiques vers et depuis les Amériques, ainsi que leurs (re)transformations et (re)significations. À cet égard, nous proposons d’aborder une période suffisamment vaste pour observer ces phénomènes : 16e-21e siècle.
Ce colloque se veut transdisciplinaire afin d’expertiser les modalités des représentations de la nourriture, son impact sur les identités et son poids dans les patrimoines culturels.
Dans le sillage de ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler les Food Studies, nous porterons la focale sur les expériences américaines, car la multitude des communautés sur le continent, d’une part, et l’intensité des mouvements et échanges transnationaux, d’autre part, laissent supposer que la nourriture, les pratiques et les représentations qui leur sont associées jouent un rôle déterminant et original dans les interactions culturelles, sociales et économiques. L’alimentation s’est en effet imposée comme un élément qui concourt à la définition même des patrimoines culturels, un enjeu constitutif des identités, comme le montrent l’essai « Psychosociologie de l’alimentation contemporaine » de Roland Barthes (1961) et Le Cru et le Cuit de Claude Lévi-Strauss (1965).
Enfin, l’alimentation et les pratiques gastronomiques sont devenues un enjeu central dans la construction et la valorisation des patrimoines. On peut même parler de gastronomisme (Stengel 2011) et de gastronationalisme (Desoucey 2020), des notions qui mettent en évidence l’articulation entre nourritures et identités nationales. Cette approche apporte un nouvel éclairage sur les polémiques parfois violentes qui naissent entre pays, régions ou villes réclamant la paternité d’un plat ou d’une pratique culinaire.
Nous postulons que le fait alimentaire permet d’établir une nouvelle grille de lecture, historique, sociologique et anthropologique, mais aussi épistémologique. Le présent colloque s’attachera plus particulièrement aux discours, phénomènes et représentations liées au gastronomisme, gastronationalisme et chauvinisme gastronomique, des notions qu’il conviendra aussi de définir sur le plan théorique. L’idée d’ethno-gastronomisme sera également envisagée comme un possible outil d’analyse, une idée que nous forgeons depuis la perspective des études étasuniennes, pour lesquelles les « communautés ethniques », en particulier s’agissant des communautés issues des mouvements migratoires, sont un objet d’étude central.
Le colloque vise à analyser comment la promotion, valorisation et célébration de la cuisine – en particulier celle de sa propre communauté – nourrit la construction de sentiments de gastro-chauvinisme. Il se penchera également sur les rivalités, polémiques et disputes qui peuvent en résulter. Ce faisant, nous aborderons les manifestations de la gastronomie en tant que processus d’affirmation identitaire, les « protocoles » alimentaires définis par Barthes. Nous suggérons les pistes de réflexion suivantes, complémentaires :
(a)- La reconnaissance de certaines identités, autochtones ou régionales par exemple, peut passer par la mobilisation d’aliments, de plats, de recettes, de pratiques, qui ne sont pas nécessairement en adéquation avec les pratiques alimentaires dominantes dans la population. C’est la revendication d’une culture qui serait originale et différente qui est alors en jeu.
(b)- Un plat, une boisson peuvent être présentés comme des « spécialités » sui generis et contribuer à renforcer le sentiment d'appartenance au groupe. Nous nous pencherons sur les traditions culinaires « inventées » (pour reprendre le terme employé par Eric Hobsbawn en 1983), destinées à donner consistance à l’identité collective, en particulier dans les relations qu’elles entretiennent avec l’idée de terroir.
(c)- Nous nous interrogerons sur la place des aliments et des pratiques culinaires dans les processus de patrimonialisation –avec, le cas échéant, une inscription sur la prestigieuse liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
Dans le cadre de la transdisciplinarité promue par ce colloque, les propositions relevant des ethnic studies, food studies, cultural studies, histoire, anthropologie, sociologie, littérature, arts, arts visuels, linguistique, sont les bienvenues. Les langues du colloque seront le français, l’anglais et l’espagnol. Les propositions seront de maximum 250 mots et elles seront accompagnées d’une courte biographie. Elles sont à envoyer avant le 30 mai 2025 à Marie-Christine Michaud (marie-christine.michaud@univ-ubs.fr) et Emmanuelle Sinardet (esinardet@parisnanterre.fr).